Anissa Daoudi – L’intraduisibilité de l’Algérie durant la décennie noire

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Anissa Daoudi

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 «ةة  est notre potence, accrochée par un dieu imaginaire, créé par les hommes selon leur imagination

La citation ci-dessus m’est dédiée par l’écrivaine algérienne Fadhila Al Farouq dans mon propre exemplaire de son roman intitulée تاء الخجل « Taa al khajal »Taa al Khajal1 (2005).

La lettre arabe «taa marbuta» ou « TAA fermée » est le principal indicateur du genre féminin en langue arabe. Dans sa version initiale, elle apparaît généralement comme un cercle sous deux points, lة). a version manuscrite d’ Al Farouq possède deux lignes inclinées émergentes des deux côtés (ô 2 ), ce qui, en fait, ressemble à un nœud  de bourreau. pour elle, la lettre (δ) représente un nœud autour du cou d’une femme. Elle utilise aussi « notre » pour désigner toutes les femmes arabes sans exception. Elle désigne par le nœud comme un outil «artificiel» imaginaire créé par la fantaisie de l’homme pour représenter Dieu ou la religion en général. Al Farouq utilise la «taa fermée »ة ة comme une métaphore désignant la société fermée où elle vit. Le cercle constituant le blocage de sa société, où les gens tournent en rond, sans trouver un moyen pour se libérer des contraintes sociales , : une suggestion d’une impasse, une vision très pessimiste, car elle élimine la possibilité d’espérer un changement.

Le roman d’Al Farouq a été traduit en français par La Honte au Féminin (2009)3.. Le titre en français évoque des questions sur la traduction en général et sur le transfert des concepts, plutôt que des problématiques relatives aux mots ou aux phrases, ou au texte source et au texte cible. . La version traduite en français opte pour ‘F’ pour le mot français ‘feminin’. Or, cette lettre n’a pas la même connotation de la «taa »ة ة  à la forme d’un cercle, déformant le concept.

Al Farouq consacre un chapitre entier à la question du genre féminin en langue arabe, sa signification symbolique et son impact sur la politique du genre. Elle donne droit au chapitre ” ” تاء مربوطة لا غير” تاء مربوطة لا غير “, « Ta’marbuta la ghaira,’un taa fermé /ةة/’/.et rien d’autre », qui a été traduit en français comme «F fermée et rien d’autre ». La version traduite en « F » pour « féminin » est une interprétation directe alphabétique de la langue d’origine. Cependant, ce que l’auteur veut transmettre est la signification indirecte et symbolique du cercle dans le taa fermé / ة ة / ‘ . . Se référant à   une situation sans issue, Al Farouq n’implique pas la notion du cercle comme symbolique de quelque chose qui est entier, complet, idéal et éternel, mais comme quelque chose qui n’a ni de fin ni de début.

Le lecteur d’Al Farouq doit comprendre que le sens est celui de la société algérienne fermée. Cependant, l’interprétation directe alphabétique, se rapporte au discours sur la langue arabe et sur le féminisme, en soulignant la masculinité de l’arabe par sa grammaire. Ce n’est guère une nouvelle question : ce point a été déjà abordé par des chercheurs tels que, Yousra Muqaddam 4 , Zuleikha Abou Richa 5 et Al Abdellah Ghadhami 6 . Ils commencent tous par le système grammatical arabe et ses indicateurs féminins pour déconstruire le système masculin patriarcal plus large dans leurs sociétés. . L’exemple de Al Farouq et bien d’autres, qui font l’objet d’étude de cet article, porte sur « l’intraduisible » de l’ Algérie, conformément au titre d’Apter (2006: 94).

Plus précisément, cet article met en avant «l’intraduisibilité» de l’Algérie au cours des années 1990, connu sous le nom de la « décennie noire » au cours de laquelle le pays a sombré dans la tourmente. «L’intraduisible » de l’Algérie existe non seulement au niveau linguistique, (manque d’équivalence ou de contresens) mais aussi au pluriel «les intraduisiblités » qui seront expliquées.

Alors que la notion du «non traduit» de l’Algérie est le thème dominant, l’article traite d’une phase où l’Algérie est passée sous le radar durant toute une décennie. C’est une période historique, de laquelle on ne connaît que très peu. Plus important encore, on mentionne très peu le rôle des femmes dans le conflit, survivantes ou militantes soient-elles.

Cet article a ainsi trois objectifs, le premier consiste à mettre en évidence les récits de femmes algériennes de la «Décennie Noire» à travers différents médiums, interviews personnelles et production culturelle (romans, mémoires et témoignages) dans les deux langues de travail de l’Algérie Arabe et Français. Le second est de contester la conception de l’intraduisibilité comme notion homogène et de montrer,   à travers l’étude de cas de l’Algérie, qu’il existeraient plusieurs «non traduits»  (dans certains cas interdépendants) favorisant, en même temps, la «traduction» comme récits inquiétants. Le troisième consiste à s’engager dans le discours mondial, de présenter les femmes non comme victimes ou survivantes, mais comme «participantes puissantes, actives et significatives dans les zones de conflit» (Daphna – Tekoak et Harel – Shalev, 2016: 2).

Violences au féminin et intraduisibilité

Le présent article attache une attention particulière à un thème peu traité,  un thème lié aux récits de violence sexuelle à savoir le viol ;. la première hypothèse que l’on pourrait considérer, en cas de «viol» en particulier dans les pays conservateurs traditionnels comme l’Algérie, est que l’on traite d’un cas de «non-transparence culturelle». Cet article met cependant, en exergue certains stéréotypes et montre que le «viol» est une question délicate, un phénomène universel considéré comme sensible en raison de sa nature.

L’Algérie est un pays qui a subi des violences de toutes sortes sous le système colonial français, où les femmes ont été victimes de violences sexuelles par le colonisateur, toutefois dans les années 1990, l’auteur n’était pas le français, mais le «frère» algérien… Ce soi-disant « frère » violait, torturait et tuait selon une autre idéologie, une idéologie qui traduit le « viol» comme connu à cette époque moderne en « sabi »7, concept issu des temps des croisades signifiant l’acte de la violence sexuelle contre les femmes de foi différente, capturées dans la guerre.

 Apter le designe comme une «intraduisibilité sacrale ou théologique» la difficulté pour elle reste relative à l’intraduisible sacral, elle avance qu’elle . n’a guère de   prétention à résoudre la question, mais qu’elle essaye de s’assurer qu’elle soit reconnue comme un principal défi heuristique. ( Apter, 2013: 14) .

Un phénomène bien connu que certains penseurs arabes ont cherché à étudier en  essayant de trouver des réponses le concernant tels    Al Jabiri, Al Aroui, Arkoun et bien d’ autres dans la période Nahdha tels que Al Tahtawi 8 .

Le concept de l’intraduisibilité est fréquemment utilisé dans la théorie de la traduction d’une manière homogène. la classification d’une gamme d’intraduisibilité, pas nécessairement dans un ordre quelconque, avance le concept plus loin et ouvre une discussion plus approfondie.. Il répond également à un manque de précision lié au concept.

 Les idées et les exemples discutés dans chaque partie agissent comme des suggestions quant à la façon dont on peut comprendre et classer les non-adaptations. La discussion s’inspire des domaines de la linguistique, de la sémantique, des théories du langage, du pouvoir, et de la littérature pour explorer des textes où l’intraduisibilité est présente. Les cinq catégories présentées ne répondent pas toutes à la question de savoir pourquoi l’Algérie est intraduisible, mais tiennent compte des raisons les plus pertinentes pour la non-transparence. Le linguicide, comme une des raisons de l’intraduisibilité, est mis au défi en mettant en évidence un élément crucial, qui est l’élimination du dialecte algérien et son rôle crucial dans le silence de la population ainsi que l’éruption du conflit entre les Arabophones, Francophone et berbérophone. Intellocide, qui est le ciblage et le meurtre d’intellectuels algériens dans les années 1990, est soutenu par des entretiens personnels, des témoignages, des romans et des films pour donner des exemples concrets qui contestent les récits officiels.

.Le linguicide et l’intellocide en Algérie sont présentés comme des motifs interdépendants de l’intraduisibilité, qui sont également des raisons directes pour lesquelles des transitions externes se produisent dans le cas de ce pays. Mettre l’accent sur les différentes classifications du concept d’intraduisibilité signifierait une compréhension plus claire en théorie et en pratique.

Contexte théorique

Une grande partie du discours récent dans les études de traduction porte sur la question du «non traduit» (Apter, 2013), les discussions vont de  ‘tout est traduisible et transférable d’une langue à une autre’ (Bellos et Jean-Jacques Lecercle), à ‘toute traduction est nécessaire mais condamnée à l’échec en raison de la  nature irréalisable de la tâche’  (Barbara Cassin), tout est intraduisible, (livre d’Apter contre la littérature mondiale: sur la politique de intraduisibilité, 2013).

.L’idée d’Apter est basée sur le rejet de l’hypothèse que tout peut « être traduit, échangé ou substitué dans un idiome global accessible » (Apter, 2013). Elle demande à ses lecteurs de considérer le concept d’intraduisible, en se référant comme elle le dit aux « épineuses, des moments frustrants de la dissonance culturelle et d’incompréhension – comme la clé de la traduction et de l’engagement interculturel » (ibid), elle considère les mots comme faisant partie d’un système entier dans lequel leurs significations dépendent de leur relation les uns avec les autres, tout comme Ferdinand de Saussure le fait.

Elle prend ensuite cette idée pour préciser les différences significatives de pensée conditionnées par la langue et la culture. Pour elle et pour Cassin, les problèmes rencontrés par les traducteurs sont un champ fertile   d’enquêtes   approfondies, l’ «intraduisibilité», ici, est perçue comme un concept dynamique et nécessaire. Il est considéré comme une plate-forme à partir de laquelle les discours hégémoniques sont contestés. Malgré les tentatives d’Apter pour fournir des exemples d’intraduisibilité, d’autres travaux sont encore nécessaires pour catégoriser les types de «non-traduisances», afin d’éviter l’hypothèse de l’homogénéité de la «non-transparence» et de fournir plus de précision.

Dans son chapitre, « intraduisible de l’Algérie: La politique de linguicide »,  Apter (2006) va analyser l’intraduisibilité de l’Algérie sans nommer de typologies. L’article vise à combler ce manque de précision et présente de nouvelles dynamiques et de nouveaux types de «non traduits» spécifiques au cas algérien, mais cela pourrait également s’appliquer à d’autres cas de «non-traduit».

En effet le présent article traite non seulement des typologies supposées qui permettent de comprendre les raisons de l’intraduisibilité, mais aussi met en exergue les différents moyens par lesquels elles pourraient apparaitre, tels que des romans, des témoignages et des interviews personnelles en arabe, en berbère et en Français. Cette combinaison de langues est un cas pratique du multilinguisme en Algérie qui fournit à la fois des idées théoriques et des situations pratiques qui peuvent être utiles aux traducteurs.

Le premier type de «non traduit» concerne dans la plupart du temps des aspects linguistiques qui rendent un texte «intraduisible» d’une langue à une l’autre. L’accent est mis sur les incapacités structurelles du langage, où les mots et leurs significations sont analysés comme éléments secondaires. Par exemple, « l’intraduisible des motifs sonores créés par des phonèmes, mots et phrases d’un texte dans sa langue d’origine » (Gleeson, 2015: 3).

Le deuxième type est le «non traduit» culturel, qui est le plus souvent rencontré par les traducteurs. Ici, le défi est non seulement de trouver un équivalent en termes de sens, de terminologie et / ou d’expression idiomatique qui correspond à la langue cible, mais pourrait parfois être plus profond et ce en cas d’absence de concepts dans la langue / culture cible ou qui pourraient exister mais avec des connotations différentes.

L’intransigeance culturelle pour cet article est censée débuter par le thème de la violence sexuelle qui est inévitablement un tabou de la culture arabo-musulmane traditionnelle. Cependant, la sensibilité du thème est «universelle». En d’autres termes, le poids culturel attribué au mot «viol» dans la plupart des cultures musulmanes ainsi que dans le reste du monde peut être difficile à traduire. La difficulté vient de la connotation historique dans les sociétés islamiques, le mot / concept « viol » a été accueilli et encouragé en temps de guerre comme dans le cas de / sabi / (voir note 6 ci – dessus). Le viol est également souvent associé à la virginité féminine et est chargé de connotations qui font de la traduction une tâche difficile. Le troisième type est l’«intraduisibilité théologique» pour laquelle la traduction vers ou de l’arabe est un bon exemple. Apter fait référence au livre de l’éminent penseur marocain Abdelfateh Kilito, tu ne parleras pas ma langue9   qui montre que l’arabe est considérée comme une langue sacrée et donc, selon Kilito 10 , toute tentative de traduction pourrait conduire à une mauvaise interprétation et une traduction erronée. Les arguments de Kilito sur la langue et son caractère sacré ont été au cœur du débat depuis des décennies dans la plupart des disciplines. Bien que Kilito intègre ce type sous l’intraduisible culturel 11 , je soutiens que l’origine des difficultés réside dans le fossé linguistique entre l’arabe classique et l’arabe moderne. Dans cet article, je m’attèlerai à démontrer que  C’’est à cause du caractère sacré de la langue et de l’absence du développement du langage que les «intraduisiblités» se produisent et persistent malgré la modernité.

Il faut dire les voix contre le caractère sacré de la langue ont été marginalisées à l’instar d’Al-Jābirī et de Laroui, qui pensent que la voie à suivre pour que l’Arabe prospère et se développe   serait justement la rupture avec   le «passé glorieux» et   sa séparation du Coran.

Dans son livre ‘Why Arab are the Arabs not Free?  The Politics of writing’ Moustapha Safouan (2007: 49), démontre la relation de force entre l’arabe classique et l’ écriture tout au long de l’histoire islamique. Il dit:

« on est l’une des civilisations créatrices de  l’ écriture il y a plus de cinq mille ans, l’état l’a monopolisée et en a fait un art ésotérique réservé à ses scribes ». Il ajoute que « écrire dans une langue sacrée sinon « supérieure », influencerait  les idées ont été de la même constitué comme un domaine distinct auquel les gens ordinaires n’avaient pas accès. Le résultat est que l’Etat pouvait éliminer de façon sûre les écrivains qui osaient contredire les orthodoxies dominantes, et que les auteurs, tout comme les anciens scribes, ne pouvaient guerre survivre dans l’ordre établi »

Cela implique que le vernaculaire est considéré comme «faible» et continue d’être utilisé uniquement pour les pratiques orales. Safouan (2007: 94) pense que “l’un des principaux désastres du Moyen-Orient est qu’il n’a jamais connu le principe de l’humanisme linguistique réintroduit en Europe par Dante au cours du moyen âge et intensifié plus tard grâce à la Réforme et à la création de la nation européenne “. Dans un même contexte, le cas algérien sera présenté avec des exemples (interviews, romans, témoignages et mémoires) du dialecte algérien ainsi que du Berbère, qui ont été mis en silence pour une génération entière dans l’Algérie postcolonial. 

Le “non traduit externe” est lié à la contextualisation qui affecte un texte sans tenir compte de son contenu linguistique. .Les facteurs externes peuvent ainsi être sous deux formes, la première qui est une forme douce est relative à ce que Toury décrit comme « rôle social» du traducteur qui consiste à remplir une fonction spécifiée par la communauté. La deuxième en est une forme dure  Gleeson (2015), parle d’une forme plus complexe, comme ce que Bassnett (2002) appelle le flux de traduction «unidirectionnel». .Bassnett soulève Ici, la question des relations de force entre le colonisé et le colonisateur.

La traduction a été utilisée comme instrument pour coloniser et priver les colonisés de leurs voix. Elle renforce cette hiérarchie de puissance (ibid, 387). Dans le même ordre d’idées, Venuti soutient que le pouvoir colonial joue un rôle important dans le maintien de l’hégémonie dans la traduction (Venuti, 1998:01). Carli Coetzee (2013) donne l’exemple de l’Afrique du Sud où une grande partie de la traduction vise à étendre et à affirmer le privilège monolingue en traduisant les langues africaines vers anglais, elle suggère un «flux inverse», En d’autres termes, elle soutient le refus de traduire des langues africaines vers l’anglais afin de déstabiliser l’hégémonie de la langue anglaise. En Algérie et dans d’autres pays d’Afrique du Nord, comme la Tunisie et le Maroc, l’hégémonie repose sur la domination de la langue française sur les langues autochtones.

J’avance que La traduction en anglais, en berbère et / ou en dialecte arabe local élargirait le lectorat et aiderait à démanteler les langues hégémoniques en Algérie (Arabe standard et français).

Dans cet article, ces classifications ne sont pas dans un ordre particulier, l’intraduisibilité linguistique par exemple, est justifiée en termes de situation linguistique en Algérie dépassant les limites de la langue pour analyser une question beaucoup plus profonde relative   à l’Algérie, à savoir le linguicide ; par ailleurs lié à ceci est un sujet connu sous le nom d”intellocide’ qui, comme je le précise ci-dessous, pourrait être abordé par les deux classifications. L’important dans cet article est ce que j’appelle «l’intraduisibilité de l’Indescriptible», qui concerne la formulation et la traduction des mots   pouvant décrire et transmettre des sentiments liés à des expériences sensibles et douloureuses comme le viol.  .Cette incapacité de traduire le traumatisme en mots est liée à l’incapacité   de comprendre ce qui se passe,   à l’instar de l’Algérie des années 1990..

Pour illustrer les différents types d’intraduisibilité, l’Algérie est considérée comme une étude de cas dans la section suivante.

«L’Algérie intraduisible»

 Linguicide Algérien

Le titre de cette partie est emprunté  au chapitre de Apter “Untranslatable’ Algeria: The politics of Linguicide” « l’intraduisiblité de l’Algérie : La politique du linguicide » dans son livre: The Translation Zone: A New Comparative Literature (2006) ; ainsi je mettrai  la lumière sur ce qui fait de l’ Algérie « intraduisible », en commençant par le linguicide (ibid) et ses racines examinant   les idées d’Apter ,et ce en décorticant  les couches complexes du conflit linguistique en Algérie approfondissant  la  dichotomie des arabophones contre les francophones   en incluant    les dialectes régionaux et le Tamazight. Cela   illustrerait  Il s’agit non seulement d’analyser les  conséquences et les répercussions   de la «question linguistique» sur l’ensemble de la société algérienne après l’indépendance,  mais aussi d’autres  facteurs critiques, tels que la parution des lois ayant eu de directes répercussions  sur les années 1990 et les années suivantes,    Ce qui a causé entre autres, l’instabilité de la situation actuelle en Algérie.

Je soulignerai dans cette partie Le «non traduit» de tout un pays et ce à travers la «question de langue» telle qu’elle est toujours appelée quand il s’agit de l’Algérie (Treacy, 2013: 402)..En effet le terme est issu du français et nous emmène directement   à faire le point sur la langue comme soi-disant une caractéristique unificatrice de toute nation.

En Algérie cependant, et après l’indépendance en 1962, le pays est entré dans un champ de bataille entre différentes idéologies nationalistes et islamistes, certains préconisant le retour à une identité arabo-musulmane stricte,   d’autres revendiquant cette résistance, comme les Berbères et les francophones qui ont eu besoin de temps pour s’adapter au nouveau mouvement d’arabisation 12 . La « question de langue »13 était au centre des différents discours dans les décennies précédant l’indépendance. Le pays a vu des tentatives multiples – et parfois contradictoires – de contrôler la langue algérienne.

Alors que le discour, d’arabisation avait tous les éléments de réussite, il est devenu un élément central de discorde, en raison de la marginalisation des Berbères 14 ,  citoyens indigènes de l’Algérie, ainsi que la grande majorité des Algériens   francophone.   Le système éducatif utiliser le français en tant que moyen d’enseignement    avant d’être considéré par la rhétorique politique révolutionnaire comme langue d’ennemi qui devrait être éradiquée.

Le projet d’arabisation était responsable de la plupart des « intraduisiblités » de la nouvelle Algérie indépendante, et de placer une génération en exil dans leur propre pays, car utiliser le français était considéré comme trahir le sentiment nationaliste, connu sous le nom du panarabe et qui prenait de l’envergure non seulement en Algérie mais dans toute la région arabe.

Dans son roman Mémoire de la chair, Ahlem Mosteghanmi (1985) commença par les mots suivants :

« À la mémoire de Malek Haddad, fils de Constantine, qui a juré après l’indépendance de l’Algérie de ne pas écrire dans une langue qui n’est pas la sienne. .Il est mort par la puissance de son silence pour devenir un martyr de la langue arabe et le premier écrivain à mourir silencieux, affligé et passionné en son nom “.

.Mostaghanemi, une éminente écrivaine algérienne, a choisi de lancer son roman rappelant le monde de Malek Haddad, le célèbre écrivain francophone et beaucoup d’autres victimes du linguicide postcolonial Algérien.  Malek Hadad a refusé d’écrire dans la langue coloniale et est mort de silence. De même que Malek Hadded qui a été assassiné par la page blanche, Le Blanc de l’Algérie de Assia Djebar (1995) (Le Blanc algérien) plaide pour la même page blanche. The white in her title refers to the unwritten pages of Algerian history. Le blanc dans son titre fait référence aux pages non écrites de l’histoire algérienne. Il se réfère à la révolution qui a échoué, mais qui doit être écrite dans une nouvelle langue qui doit encore être convenue. Le problème de la langue la préoccupation première pour Djebar qui rêvait  d’une société polyglotte  conforme à la situation multiculturelle de l’Algérie. Djebar, comme Hiddleston (2005: 3) avance que

 « l’utilisation de son écriture pour découvrir le multilinguisme opprimé et la créativité multi-culturelle de l’ art algérien et de la littérature, et pour créer un récit de deuil qui encapsule de façon appropriée les horreurs difficiles à résoudre des discours officiels et idéologiques.

Djebar a utilisé le français, la langue présumée laïque, pour se battre et se déconnecter de l’idéologie monolingue revendiquée par les islamistes. Pour elle, « une nation est un ensemble complet de langues et cela est particulièrement vrai pour l’Algérie » (Šukys, 2004: 117).

Anne-Emmanuelle Berger (2002: 72) trouve le parallèle de Gilbert Grandguillaume entre ce qui est arrivé aux Algériennes et ce qui est arrivé à la langue algérienne en Algérie autonome. Un parallèle véridique, en  en dépit de la contribution remarquable des femmes algériennes à la guerre de Libération et les « mesures audacieuses qu’elles ont prises  dans la sphère publique (un processus décrit par Frantz Fanon ( 1959  ) dans son article  « l’Algérie se Dévoile», Grandguillaume nous rappelle les multiples façons à travers  lesquelles l’Algérie indépendante cherchait à renvoyer  les femmes à l’intérieur de chez elles à les confiner dans la sphère domestique»(Berger, 2007: 72).

Le parallèle est établi entre l’ arabe dialectal et le « dévoilé » des femmes algériennes  qui sont à l’instar de la langue  qu’elles parlent à l’intérieur et à l’extérieur de la maison avec leurs collègues algériens , un symbole ou une métonymie de la «véritable algérianité» (ibid). Pourtant quand il s’agit de l’usage formel de l’arabe, c’est le dialectal qui est envoyé à la maison, dans un sens « voilée », confinée à l’espace privé. Bien que l’arabe standard (SA), connu sous le nom fusha est la langue officielle pour l’écriture, les dialectes régionaux appelés « ammiya sont quant à eux utilisés de façon informelle sous la forme parlée seulement16 .

Cette imposition de l’arabe standard en Algérie, ou le mouvement d’arabisation, vise non seulement à éradiquer le français, mais aussi les langues autochtones comme le berbère. Cette idéologie remonte à l’Association des oulémas algériens 17 un mouvement, des années 1930 de lutte contre le colonialisme et   qui a fait de l’islam  la religion de l’Algérie et de l’arabe son unique   langue.

Dans Bleu, Blanc, Vert (2006), Maissa Bey, une autre écrivaine francophone, rappelle l’ère postcoloniale et narre la situation linguistique de l’Algérie et sa relation étroite   avec le nationalisme.. Le roman remet en question le projet d’arabisation, et considère son imposition comme une forme de persévérance de certains modes coloniaux de domination (se référant à la politique de francisation 18). Ali, le personnage principal du roman appartenant à la génération des Algériens qui ont opté pour rester et étudier dans le pays, dit :

« Il y a ceux qui ont étudié dans les pays frères, en Egypte, en Syrie, en Irak et en Jordanie … Ceux qui, comme moi sont restés en Algérie, enseignés par des enseignants, le français pour la plupart, mais sous la direction d’un Ministre algérien, et conformément à ses directives. Où est le problème ? ” (Bey, 2006: 145).

.La citation montre des problèmes complexes liés à l’authenticité, au nationalisme et à l’Arabité.  Le pays a été divisé en francophones appelés HizbFransaHizb Fransa : Le parti de la France  et en  arabophones qui sont des Algériens enseignés dans des pays «frères» ou par des enseignants d’états arabes  ramenés pour arabiser le pays certains étaient des Egyptiens, sympathisants ou membres actifs du Mouvement des Frères musulmans.

.Cette division linguistique a continué à affecter les intellectuels et les artistes d’expression berbère et française dans le soulèvement des années 1980 et dans la guerre civile des années 1990.

.Fadhila Al Farouq, une écrivaine berbère arabophone a écrit dans une interview personnelle en octobre 2014, qu’elle se sentait piégée entre sa langue maternelle berbère et la langue qu’elle utilisait pour l’écriture : l’arabe en l’occurrence.She says: “Elle dit

 J’ai maintenant commencé à haïr l’arabe … Je me sens piégée, Je ne peux pas publier dans la langue avec laquelle j’ai été élevé le Tamazight) et je ne peux pas en français non plus … mon seul moyen est l’arabe qui m’a été imposé à un âge très précoce à l’école primaire..Je parlais Berbère uniquement en privé avec un ami en cachette. J’ai senti la douleur de l’ablation de mes racines à Arris19ma langue Tamazight (Chaoui) pour me retrouver dans un nouvel environnement (école) forcé de parler arabe.

 »  Elle ajoute : ” Tamazight, pour moi, était pour la sphère privée »”. “.

Ceci est illustré dans son roman. La victime Yamina est une femme berbère des Aurès, de même que le narrateur dans le roman qui dit :

“ابتسمت لها “ابتسمت لها ، , و اقتربت منها أكثر و حدثتها بالشاوية ” “

I smiled at her andI came closer to her and spoke to her in Chaouia20” « Je lui ai souris, et je me suis approchée d’elle et lui ai parlé en Chaoui20 »

“ Yamina dit: ” لو كنت من غير أهلي لما حدثتك عن شيء لو كنت من غير أهلي لما حدثتك عن شيء ” “

« Si vous n’étiez pas de ma famille, je ne vous aurais pas dit quoi que ce soit »

. Les mots viennent spontanément et sans effort. But the language issue escalated to become a source and means of fear. Mais le problème de la langue est devenu une source de peur. Comme Apter fait valoir à juste titre :

 « la crainte d’accusation de blasphème et d’apostasie. La peur de la fatwa délivrée unilatéralement par des islamistes de ligne dure contre ceux qui interprètent «littéralement» les références coraniques ; et enfin, la peur de la mort »(Apter, 2006: 95).

Ceux qui ont échappé aux menaces de mort sont devenus des réfugiés politiques en France, ils ont quitté la scène culturelle en Algérie, laissant place aux extrémistes pour mettre en œuvre l’islamisation du pays.

Intellocide algérien

Tahar Djaout, était l’un des premiers intellectuels assassiné, en 1993. Rédacteur en chef du journal francophone El Watan, et coordonnateur de la revue Ruptures, la décision consciente de Djaout d’écrire en français était de se révolter contre l’oppression de l’identité berbère imposée par la Projet d’arabisation. Le français devient pour lui comme pour Djebar, une langue de protestation, “Djaout divorce explicitement de l’identité nationale, utilise la littérature et le journalisme pour inventer de nouveaux paysages et pour concevoir des idées alternatives” (Hiddleston, 2005: 8).

Cette décision lui a coûté, et à beaucoup d’autres écrivains francophones, la vie dans ce que Bensmaia (1997: 86) appelle «nettoyage intellectuel». Pour les islamistes, il était clair que toute opposition à leur ordre du jour signifierait la mort, comme l’a déclaré Mourad Si Ahmed, connu sous le nom Djamel Al Afghani, l’auteur de cette phrase terrible : « Les journalistes qui font la guerre sur l’ Islam avec leurs stylos périront par nos épées ». 21  La liste comprend : Tahar Djaout, Youcef Sebti, Abdelkader Alloula, Lounes Matoub et beaucoup d’autres considérés comme infidèles. Women journalists were also targeted. Les femmes journalistes ont également été ciblées. Salima Tlemçani une célèbre journaliste dit:

« Pour vous retrouver sur une liste de journalistes condamnés à mort a été très difficile à supporter et vivre. vous finissez par admettre que vous allez mourir, votre seul souhait est un décès immédiat. sans souffrance, égorgée avec un couteau non-pointu, torturée, ou encore violé ou autre . Pendant 10 ans, oui, j’ai eu peur. Peur de perdre un membre de la famille, tué à cause de moi..J’ai vécu avec peur de me retrouver entre les mains d’un groupe terroriste. J’ai vécu avec crainte d’aller au bureau et apprendre la mort d’un collègue, assassiné. Lorsque le geste le plus banal, comme pour aller acheter des croissants à côté,  devient dangereux, c’est   fini ». 22

Cela dit, Benoune (2013: 126) évoque Belhouchet (journaliste d’el Watan connu par son franc-parler et  qui a été témoin de l’assassinat de ses collègues) qui  affirme sa détermination à continuer à travailler malgré toutes les atrocités “il a décidé, lui et ses collègues survivants de sortir l’edition  du lendemain coûte que coûte,  à l’honneur de ceux assainés à leurs bureaux, “.Cette détermination et ce défi est le thème central d’un film d’Abderahim Laloui, présenté dans lapartie suivante.

Dans le cadre de ma collecte de données, j’ai participé à un événement intitulé «Notre Mémoire, Notre combat » organisé par Djazairouna les 1er et 2 novembre 2016, dans lequel trois films ont été choisis. ‘Mémoires de Scènes’ (2016) a été l’un des films sélectionnés réalisé par Abderahim Laloui). Il raconte une histoire qui se déroule au début de ce qu’on appelle la «décennie noire des années 1990», une periode où l’Algérie a été témoin d’une violence extrême. Le film retrace la vie d’Azzedine, un journaliste qui aime le théâtre et prépare une adaptation de la célèbre pièce de Molière «Tartuffe». Aidé par un groupe d’amis (tous des acteurs amateurs), il commence les répétitions au théâtre de la ville. Le maire de la ville, un fanatique, essaie de les arrêter. Cependant, Azzedine et ses amis ont décidé de rester ensemble et d’ignorer les menaces qui leur sont adressées. Yousra, la femme d’Azzedine, qui joue également un rôle dans la pièce, essaie de rassurer son mari et de créer un climat de sérénité au sein de sa famille. L’histoire fluctue entre les «tartufferies» et la vie quotidienne de cette troupe amatrice de théâtre. Après plusieurs mois de préparation et de répétition, c’est le jour de la présentation, alors que le casting attend l’arrivée d’Azzedine et de sa femme, on entend la douloureuse nouvelle de leur assassinat.

La pièce retrace le fil des évènements du début des années 1990 en se référant à l’assassinat des grands de la scène culturelle, à savoir le journaliste et écrivain Tahar Djaout et le réalisateur Abdelkader Alloula. Le film est joué par des acteurs algériens célèbres, a l’instar de  Farida Saboundji et Chafia Boudraa. Lors d’un entretien avec le co-scénariste M. Benkamla (24.03.17), j’ai découvert que le projet du film a démarré en 2006 et n’a pu être réalisé qu’en 2016 en raison des difficultés.

 « Intraduisibilité » de l’indicible

Cette section met l’accent sur un autre type d’L’intraduisibilité qui est souvent considéré comme une chose acquise et qui n’est pas lié au transfert d’une langue à une autre. Ce type aborde une typologie plus complexe se rapportant à l’acte traductionnel du traumatisme en mots. Il s’agit d’analyse des textes représentant l’acte traductionnel d’un traumatisme. La traduction dans ce contexte est utilisée dans son sens le plus large et ne reflète pas uniquement l’acte de transformation d’un texte d’une langue source à une autre cible, mais aussi l’acte de transmettre, de véhiculer et de convertir des sentiments et en mots. Quand on aborde un acte traductionnel d’un traumatisme, une activité traductionnelle intralinguistique s’effectue ; c’est l’acte de convertir l’inimaginable en mots dans la même langue. Il s’agit de l’indescriptible, qui n’est pas nécessairement irreprésentable» (El Nossery et Hubbell, 2013). Par conséquent, il est possible de représenter l’indescriptible ; mais tel que Nietzsche et Bergson l’indiquent : « je pense qu’il est illusoire de croire que nous pouvons sentir ou même imaginer une douleur qui n’a pas été personnellement endurée et que notre capacité est limitée à l’observer avec une attention accrue» (cité par El Nossery (ibid: 11).

L’indicible ou « l’intraduisible», en d’autres termes, ce qui ne pourrait être traduit par des mots notamment quand il s’agit de l’expérience personnelle d’une personne, est, le moins que l’on puisse dire, compliqué, mais parler au nom de quelqu’un d’autre est illusoire, tel qu’indiqué ci-dessus. Cependant, ce qui n’est pas illusoire est les moyens imaginatifs à travers desquels les écrivains représentent un traumatisme et non pas forcément par un lexique lié à la douleur, mais aussi par «l’esthétique du chaos» (ibid).

Dans son roman Taa Al Khajal (2005), considéré comme étant le premier roman à avoir abordé la question du viol dans les années 1990, Al Farouq met l’accent sur la structure polyrythmique et polyphonique des voix du corps et sur la répétition syntaxique de l’événement traumatique (ibid), quand elle dit :

وحدهن المغتصبات يعرفن معنى انتهاك الجسد, و انتهاك الأنا .

وحدهن يعرفن وصمة العار, وحدهن يعرفن التشرد, والدعارة

والانتحار, وحدهن يعرفن الفتاوى التي أباحت “الاغتصاب “

« Seules les femmes violées savent ce que signifie une violation du corps, une violation de l’égo. Elles seules connaissent la honte, l’itinérance et la prostitution et le suicide ; elles seules connaissent les fatwa ayant autorisé le «viol»

Le style d’Al Farouq se transforme en un style fragmenté dans la citation ci-dessus et se caractérise par la répétition et les phrases inachevées. La disposition des lignes l’une après l’autre est semblable à un poème plutôt qu’à une prose. Elle opte pour une ellipse surchargée de mots défiant une culture qui considère que la prostitution et la virginité un tabou et défie une fatwa pour exprimer le non-dit au sujet du viol comme tabou. En évoquant le mot fatwa, Al Farouq émet des doutes, de ce fait, sur l’intégrité de l’institution religieuse.

Tel que mentionné ci-dessus, le mot “viol” en arabe est placé entre des guillemets  ” الاغتصاب”, vu qu’il représente un terme controversé dans la culture arabe et que l’écrivaine voulait préciser qu’il a différentes connotations dans la terminologie islamique. On trouve des mots en arabe classique permettant la violation des femmes, tel que « Sabi », «  Jihad al nikah » [1]et autres qui ont réapparu ces dernières années, par exemple, les femmes de Yazidi détenues comme des esclaves sexuelles et avant cela, en Algérie dans les années 1990.

Pour Al Farouq, il n’y avait qu’un seul mot qui reflète le sens de tous ces termes. C’est ” الاغتصاب “(Viol) et aucun autre, tel qu’indiqué dans la citation ci-dessus. Al Farouq aurait pu utiliser d’autres mots de sa langue maternelle, dialecte berbère et algérien. L’utilisation de la langue standard vise à le distinguer de la langue commune utilisée par les Algériens. Concrètement, l’utilisation de l’arabe standard dans la plupart des régions arabophones est un ” code exclusif maîtrisé par quelques intellectuels et pas par la masse de population ” (Bassiouney, 2014) et ce, vu qu’elle n’est pas une langue parlée et est différente des dialectes. L’utilisation par Al Farouq de l’arabe standard indique le pouvoir symbolique de l’institution religieuse et la façon dont elle manipule la société en dissimulant des mots comme le viol. Là, « l’intraduisibilité théologique » (Apter, 2013) n’est pas uniquement due à la complexité de la langue, mais aussi aux interprétations théologiques qui lui sont associées.

Dans le chapitre quatre de son roman, intitulé : « دعاء الكارثة » (Prière pour la catastrophe), Al Farouq attaque directement l’institution religieuse, plus précisément la mosquée, pour incitation à la violence. Elle raconte ensuite les nouveaux discours de genre qui appellent à la ségrégation entre les Algériens, entre ceux qui suivent le parti islamique (Front Islamique du Salut, FIS) et le reste de la population. Elle va, plus loin, en considérant le FIS comme une nouvelle mode. Al Farouq dit :

 

الناس هنا لا يخالفون ما تقوله المآذن حتى حين قالت :

” اللهم زن بناتهم “.

قالوا: آمين

وحتى حين قالت

” اللهم يتم أولادهم “

قالوا: آمين

وحتى حين قالت :

” اللهم رمل نساءهم “.

قالوا: آمين

كانوا قد اصيبوا بحمى جبهة الانقاذ, فغنوا جميعا بعيون مغمضة دعاء الكارثة .

Elle ajoute:

كانت موضة جبهة الانقاذ …

Les gens ici ne s’opposent pas à ce que disent les Minarets, même lorsqu’ils prient :

“O Allah, prostituez leurs filles”.

Ils disent : Amen

Même, quand ils ont dit :

“O Allah, orphelinez leurs enfants “

Ils disent: Amen

Et même quand ils ont dit :

“O Allah, rendez leurs femmes veuves “

Ils disent: Amen

Tous ont été atteints de la fièvre du FIS. Ils ont tous chanté avec des yeux aveugles la prière pour le désastre.

Elle ajoute :

C’était la mode du FIS.

Ce qui précède illustre les discours religieux en Algérie durant les années 1990 et surtout sur la «question féminine», tel qu’il est fait référence en Algérie (la question féminine). Le discours «d’autrui» dans la prière différencie clairement entre «nous» représentant les hommes de la religion et   «eux», les laïques et parfois impliquant les non-musulmans. La multiplicité des discours sur la femme dans l’islam n’est pas nouvelle ; il y a toujours ceux qui appellent au retour de la charia et ceux qui appellent à la réforme du droit civil et à une idéologie laïque claire. La Tunisie était une remarquable exception où le président Bourguiba a interdit la charia et a appliqué le droit civil en 1956. Cette diversité de discours contribue à la croissance des écritures fondées sur le genre.

Les écritures des femmes en Algérie comparées à la littérature dominée par les hommes, offrent, tel que suggéré par Brinda (2014: 27) « des perspectives qui féminisent et compliquent l’historicité algérienne et de la subjectivité postcoloniale». Elle ajoute:

«les auteurs algériens dissipent la représentation monolithique des femmes comme étant des victimes passives de l’idéologie coloniale, nationaliste et religieuse. De même, ils montrent comment l’éthique masculiniste de guerre a ravagé le corps féminin et l’histoire des femmes par la violence, le silence et l’exclusion». Après l’indépendance, les écrivaines algériennes ont accepté la mission de donner la parole à leurs collègues algériennes qui ne pouvaient pas écrire, parmi lesquelles Assia Djebar, Malika Mokeddem, Leïla Sebbar, Maïssa Bey, Nina Bouraoui et bien d’autres encore. Ces écrivaines ont appris la leçon que « le silence est un crime», tel qu’indiqué par Miriam Cooke dans son livre « Les femmes et l’histoire de guerre » (1996: 8).

L’incapacité de traduire ou « l’intraduisibilité» des sentiments de traumatisme et de douleur en mots est équivalent à la résistance à comprendre ce qui se passe autour de nous. Cette intraduisibilité n’est pas limitée à une langue ou à une autre, mais elle est universelle. Le livre de Judith Herman  « Trauma and Recovery » (1992) analyse l’universalité des effets du traumatisme et présente un langage qui discute du traumatisme du viol. Son travail a ramené dans la sphère publique une question considérée depuis longtemps comme un tabou. Contrairement à El Nossery et Hubbell (2013), qui croient, tel que mentionné ci-dessus, que le l’indicible n’est pas forcément irreprésentable », les études de traumatisme sont « caractérisées par l’irreprésentabilité, l’inexpressivité et l’incapacité à être assimilées dans le récit: pour Cathy Caruth ( 1996), par exemple, le traumatisme est connu uniquement de la façon dont il revient à hanter un individu, souvent plusieurs années après l’événement original “(Kelly et Rye, 2009: 48).

Appuyant l’argument de Caruth, ce n’est qu’après près de vingt ans qu’un seul témoin survivant a décidé de raconter et pour la première fois, le massacre perpétré par les fondamentalistes islamiques, sur 12 enseignantes originaires de l’ouest d’Algérie (près de Sidi Bel Abbes). Le seul survivant de ce carnage était le chauffeur de minibus, qui a été intentionnellement gardé pour que l’horreur puisse être racontée en détail. Les enseignantes étaient des jeunes femmes ; la plus âgée n’avait pas encore quarante ans. Pour Sidi Bel Abbes, l’affaire représente un profond traumatisme culturel.

« Contrairement à un traumatisme psychologique ou physique, impliquant une blessure et une grande expérience émotionnelle de peine par un individu, le traumatisme culturel fait référence à une perte dramatique d’identité et de sens, une déchirure dans le tissu social, affectant un groupe de personnes qui a atteint un certain degré de cohésion».

En ce sens, le traumatisme n’est pas uniquement individuel mais collectif. On peut aussi l’appeler «traumatisme national». Eyrman (2001: 2) dit que « Arthur Neal (1998) définit un « traumatisme national », selon ses « effets durables » et comme étant lié à des événements, comme un fait qui ne peut pas être facilement écarté et qui jouera encore et encore à la conscience individuelle pour qu’il devient, par la suite, bien ancré dans la mémoire collective ».

 Le meurtre des enseignants a été rappelé chaque mois de septembre par certaines organisations, telles que Djzairouna, Réseau Wassyla, SOS Disparus, Observatoire Violence Femme OVIF et quelques autres relevant du secteur de l’éducation, bien que la loi d’amnistie (1999-2005) interdît la commémoration de la «Décennie noire». Dans une interview personnelle en date du  27 septembre 2016, le chauffeur se souvient de l’événement, en disant :

« Je roulais lentement, comme d’habitude. Une fois atteint le sommet d’une pente, à 7 km environ d’Ain Adden allant à Sfisef, avec 6 enseignantes et un enseignant à bord, je me suis … tombé dans un faux barrage  tendu par des terroristes qui avaient déjà arrêté quatre autres voitures, dont une portant 5 enseignants ». Il ajoute: « Un terroriste a couru vers moi en montrant son ‘Mahchoucha’ et a crié que je devrais me garer à droite. Il m’a ordonné de descendre du véhicule, de lui remettre les clés et de rejoindre le groupe de personnes qui se sont rassemblées à l’autre côté. Ensuite, les autres terroristes ont abattu les 5 enseignants qui se trouvaient dans l’autre véhicule pour les mettre dans le mien avec les autres enseignants, après avoir volés leurs sacs et bijoux …. Ils ont d’abord décidé de les immoler, après leur avoir jeté du carburant. Tandis que certains étaient en train de préparer le carburant, un autre assoiffé du sang a changé d’avis et décidé de les tuer.

Quand ils étaient tous regroupés, Sabeur a choisi de tenter une évasion, de sauter et de se diriger vers la forêt. Hélas, il fut frappé par de coups de feu et par la suite, abattu. Les autres assassins ont tué les 11 enseignants sans pitié. À ce moment, je n’ai pas entendu les cris et les hurlements. L’opération a duré près de dix minutes, une durée suffisante pour transformer  tout l’espace en une mare de sang. J’ai quitté l’endroit. Avant de nous libérer, les terroristes « prêchèrent »  que nous ne devions absolument pas parler des tueries et surtout ne pas voter. J’ai pris la route comme un robot, étourdi, mentalement et physiquement détruit, me demandant si c’était juste un cauchemar et je me réveillais ou une triste réalité! “(27/09/2016).

Le témoignage du chauffeur, une personne ordinaire qui effectuait un voyage comme de coutume à Sfisef, un village situé au nord-ouest de l’Algérie, est convaincant. Vingt ans plus tard, il décrit vivement l’incident horrible dans l’incrédulité. Il se demande toujours si l’incident brutal était juste un cauchemar. D’une certaine manière, cette incrédulité provient de l’incapacité de comprendre ce qui s’est passé et d’admettre l’incident. C’est une incompréhensibilité de la réalité qui offre moins de mots, pour contourner son intraduisibilité, le cas échéant. Le fait qu’il soit le seul survivant veut dire qu’il soit le témoin unique de ce qui s’est passé, ce qui s’ajoute au fardeau de la narration de l’histoire et de la traduction de sa douleur en mots.

Pour Anne Whitehead, cité dans Kelly et Ryle (2009: 48), « Cependant, par sa même nature de créativité, innovation, procédés et techniques littéraires, la fiction est en mesure de représenter ce qui ne peut pas être représenté par des récits conventionnels historiques, culturels et autobiographiques “.

Le meurtre des enseignants a été traduit en diverses formes de production culturelle, comme le film El Manara par Belkacem Hadjadj. Djebar a été parmi les premiers à réagir à l’assassinat des enseignants dans ses nouvelles « Oran , Langue Morte » (1997). Dans un chapitre intitulé « La Femme en Morceaux»   Atyka, une enseignante de français dans un lycée décide de raconter à ses élèves un conte des Mille et une nuits quand quatre hommes armés firent irruption dans la classe et l’exécutèrent devant les enfants. Atyka était accusée d’enseigner des histoires obscènes aux enfants.

Il y a lieu de noter que le choix de Djebar de la forme du récit comme de Mille et une nuits avec Shehrazade comme narrateur a été largement utilisé dans la littérature algérienne. Le concept de «retour au passé», que les islamistes ont proclamé pour opprimer les femmes, est employé par cette dernière pour évoquer des souvenirs de violence contre les femmes à travers le passé musulman et le présent. Elle dépeint le passé intraduisible à travers un présent similaire intraduisible pour affirmer qu’il est nécessaire de rompre avec la tradition de la violence. Plus important encore, elle dépeint le passé comme «intraduisible» dans le présent d’aujourd’hui. Walter Benjamin fait référence à ce fait, comme «l’intraduisibilité culturelle», ce qui signifie l’incapacité de traduire automatiquement le passé dans nos activités quotidiennes, sans remédier à cette question. Dans le cas de l’Algérie, l’«intraduisibilité culturelle» concerne l’incapacité de comprendre un passé qui dénote soit un avenir de violence, soit aucun avenir. 

L’intraduisibilité pour Djebar est la raison qui l’amène à écrire et à traduire ses idées et ses sentiments en mots, en rendant le passé traumatique représentable. Elle sait que les arts littéraires et visuels peuvent être des mécanismes pour transmettre ce qui peut être indescriptible ou intraduisible. La littérature et les arts peuvent témoigner pour ceux qui ne peuvent s’exprimer et les aider à rejoindre leurs communautés.

Pour Djebar, ce qui est «traduisible» consigne ces atrocités et empêche le pouvoir d’écrire leur propre histoire, à l’instar de ce qui a été fait pour la Guerre de Libération en 1962. Consciente de l’importance du récit, Djebar a eu besoin de «traduire» des histoires, des moments, des sentiments et de donner des voix, en particulier aux femmes réduites au silence dans toute l’histoire contemporaine d’Algérie. Djebar est bien consciente de sa mission de combiner la littérature avec l’historiographie. Elle est consciente de la tolérance et de multiples interprétations de ses textes littéraires, mais elle sait également que ces textes ont «une certaine intégrité, une inaltérabilité nationale, qui pose un problème fondamental pour la paraphrase et la traduction “(Harrison, 2014: 418). Cette inaltérabilité nationale pour Djebar ne signifie pas l’histoire officielle ; mais simplement la vérité nationale qui a été éclipsée pour les Algériens depuis des décennies. Harrison soutient dans son article «Littérature mondiale : qu’est-ce qu’on perd dans la traduction ? (2014) » :

 « ce n’est pas la  «traductibilité » qui décide ce qui sera traduit. En effet, l’intraduisibilité ou « l’impossibilité » de traduire attire nettement certains traducteurs, et pourrait leur aider à rendre de leurs traductions des œuvres créatifs convaincants ».

Tel que mentionné, les atrocités vécues en Algérie dans les années 1990 étaient inimaginables. Dans son recueil Nouvelles d’Algerie (1998), et plus particulièrement dans son chapitre intitulé « Corps indicible», Maissa Bey trouve qu’il est impossible de repérer les mots pouvant décrire les horreurs de la jeune fille. Elle dit :

“Il y a plus que ces mots en moi circulant dans ma tête, se heurtant et blessant ; je dois les arrêter en bâtissant un barrage de pierre, pierre par pierre, en les empêchant de pénétrer “.

L’impossibilité de trouver des mots, d’achever des phrases, de terminer une idée s’exprime dans les romans de Bey. La voix narrative est sans voix, elle est silencieuse.

Dans la même veine, Al Farouq, dit:

” طوال الطريق و أنا أفكر كيف سأكتب في الموضوع, بأية صيغة, بأي قلب, بأي لغة, بأي قلم? أقلام القرابة لا تحب التعدي “.

« Tout au long du chemin, je pensais à la façon d’écrire ce sujet, de quelle manière, de quelle langage et par quelle plume ? Les plumes de la parenté n’acceptent pas la transgression »

Elle ajoute:

” كيف هي الكتابة عن أنثى سرقت عذريتها عنوة ؟ “

“Comment écrire sur une femme dont la virginité lui a été volée par la force ?”

Il s’agit, maintenant, de passer au-delà de la situation linguistique en Algérie, de la traduction des traumatismes et de la dynamique locale du pays pour discuter de l’intraduisibilité de l’Algérie à l’échelle mondiale. En d’autres termes, répondre à la question suivante : comment l’Algérie est-elle traduite dans le monde ? 

 « Intraduisibilité externe» 

La faible visibilité de l’Algérie sur le marché mondial de la traduction est très similaire à celle des autres pays arabophones et francophones. En effet, la nature inégale des forces du marché mondial est un sujet qui nécessite une enquête plus approfondie.

La visibilité sur le marché mondial de la traduction (central versus périphérique)

“dépend d’abord de la position du pays de son emplacement et de sa langue, et aussi de sa position dans la zone linguistique (centrale contre périphérique, par exemple les États-Unis contre l’Inde pour la zone anglophone), et troisièmement de sa position   nationale (temporellement et / ou symboliquement dominante par rapport à dominée) (Gisèle Sapiro, 2015: 22).

L’appartenance de la littérature algérienne à deux sources linguistiques (francophones et arabophones), ne contribue pas vraiment à accroître ses chances d’être incluse dans le mouvement de la traduction mondiale de la littérature. Selon Sapiro, entre 1990 et 2003, alors que la littérature française des écrivains français atteignait 858 traductions, seulement 16 titres ont été traduits pour des écrivains algériens. Parmi ces 16 titres, seuls les auteurs comme Assia Djebar, Kateb Yassine, Rachid Mimouni, Mouloud Feraoun, Mohamed Dib et quelques autres sont traduits en anglais. En d’autres termes, la première génération d’écrivains est en grande partie celle qui a été traduite. La même chose s’applique à la littérature arabe dans son ensemble, où les écrivains les plus traduits sont les mieux connus comme le Prix Nobel égyptien Najib Mahfouz, le Soudanais Tayib Saleh et quelques autres. Les travaux de l’algérien Tahar Ouatar ont été traduits en anglais avec d’autres de la première génération d’écrivains algériens en arabe. Les œuvres d’Ahlem Mosteghanemi ont été récemment traduits en anglais. En ce qui concerne la littérature des années 1990 en Algérie, en dépit de son nombre très important, les titres traduits sont très limités, sinon inexistant. Emily Apter (2006 2013), Wail Hasan (2006) et quelques autres chercheurs ont écrit sur «l’intranslabilité» de la littérature arabe et sur la visibilité des mêmes noms qui «sont universellement acclamés, excellents écrivains» (Apter, 2006 , 98).

En fait, lorsque l’on parle de l’intransigeante Algérie en termes de faible visibilité, on pourrait dire que ce problème existe non seulement en ce qui concerne la traduction en langue dominante (centre et périphérie), mais aussi pour la traduction en arabe depuis le Français, en raison du gouffre  entre les écrivains arabophones et francophones. En d’autres termes, les écrivains algériens francophones, même connus comme Assia Djebar, leurs œuvres ne sont pas traduites en arabe. C’est seulement après leur mort que la traduction en arabe de leurs livres est ordonnée par le ministère algérien de la Culture. En d’autres termes, l’«intranslabilité» de l’Algérie n’est pas seulement externe mais aussi interne. Dans un même contexte, l’écart de connaissances entre la littérature universitaire arabophone et francophone est fragmentaire en raison des contraintes disciplinaires et de la complexité de la situation linguistique en Algérie. C’est pourquoi, le travail académique des écrivains francophones par exemple, ne reflète pas l’image nationale complète en raison de la nature des divisions entre les langues étudiées dans le milieu universitaire.

Conclusion

Bien que l’écriture fictive sur les années 1990, d’expression arabe et française, a connu une grande prospérité, la recherche ayant trait à cette époque en Algérie (la décennie noire) notamment celle traitant de la violence sexuelle / le viol restent rares.

 Cela s’expliquerait en grande partie par la loi d’amnistie (1999, 2005) qui interdisait  de se pencher sur la période antérieure. Ces limitations mettent en évidence la nature inhabituelle de la recherche dans cet article.   Il faut, néanmoins, noter que l’écriture fictive en arabe et en français, sur les années 1990 a connu un essor exceptionnel ces deux dernières années.

Dans cet article, nous avons proposé une étude approfondie du concept du «non traduit» (Apter, 2013) tant du point de vue théorique que pratique. Alors qu’Apter présente le concept de non traduit en tant que notion homogène, nous l’avons élargi en ajoutant des typologies contribuant à illustrer davantage son concept.

Et ce, à  travers des exemples pratiques de différents moyens tels que des entretiens personnels menés par le chercheur, des romans et des témoignages dans les deux langues de travail en Algérie à savoir le français et l’arabe.  la question de l’intraduisibilité en Algérie, ne se limite pas seulement à la bataille linguistique entre les arabophones, les berbérophones ou les francophones, mais est également utilisée pour illustrer la dynamique du silence dans l’Algérie postcolonial.

La politique linguistique en Algérie élucide ainsi les manipulations effectuées sous le mouvement d’arabisation en écartant   un groupe ou  un ‘autre.

Le silence est une forme d’intraduisibilité directement liée au linguicide dans le pays. Sous le motif du mouvement d’arabisation, un certain nombre d’intellectuels francophones et berbérophones ont été tués et d’autres ont cherché refuge en France, ce qui a mené à vider le pays de son élite ou  ce que l’on appelle «l’intellect». L’intraduisibilité théologique abordée aussi dans cet article,  est lié à la relation entre les concepts théologiques et leurs traductions à l’heure actuelle (voir l’exemple de sabi discuté ci-dessus).   La relation entre ce qui peut être traduit ou non n’est pas simple   compte tenu de l’historicité et de la temporalité des concepts. Les intraduisibilité de l’Algérie sont également intensifiées par des facteurs externes en raison de la faible visibilité de la littérature arabe en général et d’algérienne en particulier. Cette faible visibilité ne concerne pas seulement les écrits d’expression arabe, mais aussi ceux du français (littérature francophone). Parmi les auteurs traduits, seuls des auteurs des  premières générations tels que Tahar Wattar (de l’arabe vers l’anglais) et Kateb Yassine (du français vers l’anglais). Le cas de l’Algérie représente un exemple d « intraduisibilité» imposée est infligée par des rapports de force inégaux dans le monde. L’hégémonie de l’anglais, que Bassnett décrit comme «unidirectionnelle» joue un rôle important dans le cas de l’intraduisibilité. Enfin, un type important d’intraduisibilité, qui est au cœur de cet article, est la complexité de traduire les sentiments du traumatisme en mots, les mots utilisés pour représenter et décrire l l’indescriptibles, comme le viol dans une culture   arabo-musulmane ainsi Le «rôle social» du traducteur (Toury, 1993) est lié à la complexité   du  thème  comme le «viol».   ainsi le traducteur se trouve dans une situation similaire à celle de l’écrivain en ce qu’il estime que le texte est intraduisible.

La classification d’une gamme de non-traduisances, sans suivre d’ordre particulier, fait avancer le concept et ouvre de nouvelles discussions. Les idées et les exemples discutés dans chaque partie agissent comme des suggestions sur la façon de classer les intraduisiblités   Ici, l’intraduisibilité est reconnue comme un concept dynamique, qui peut changer et peut inclure d’autres domaines. La discussion s’inspire des domaines de la linguistique, de la sémantique, des théories du langage, et de la littérature pour présenter des textes où l’intraduisibilité est présente.

Les remarques finales de cet article sont que le concept d’intraduisibilité est un concept organique qui affecte toutes les langues et un certain nombre de disciplines et toute tentative de discussion sur la façon de le développer ne fera que l’améliorer.

[1] Jihad al nikah (جهاد النكاح‎‎) refers to the claimed practice in which Sunni women, sympathetic to the Salafi jihadism, travel to the battlefields and are allegedly voluntarily offering themselves to rebels, fighting for the creation of the Islamic Caliphate.  They are expected to be repeatedly in a temporary marriage, serving sexual comfort roles to help boost the fighters’ morale.  The practice in modern states is referred to as legalising ‘prostitution’.

 

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